J’aime l’eau. Et tout se qui s’y rapporte.
Et quand se mêle l’élément aquatique, infiltration et aberration politique, je suis aux anges.
Il est clair que je ne me suis pas taper 160 km sur une des pires autoroutes du royaume uniquement pour la beauté (toute relative) du paysage.
Non. Ici, il s’agit d’un des pires gaspillages dont notre administration (fédérale, puis régionale) s’est rendue coupable. Un canal à grand
gabarit, deux écluses monumentales et toute l’infrastructure qui va avec (chemins de halage, ponts, voiries, installations techniques, etc.).
Et tout cela ne sert... à rien. Ou si peu. Il vrai que cet endroit est devenu le paradis des pêcheurs et des oiseaux. Mais quand
l’on voit où coule l’argent public, il y a de quoi rester pantois.
Pour être complet, la Belgique seule ne doit être clouée au pilori concernant ce canal. La France porte le plus gros de la
responsabilité dans cette gabegie. En effet, si le canal est opérationnel (après un curage et une solide rénovation des écluses)
côté belge, il en va tout autrement Outre-Quiévrain.
Pour bien comprendre cet imbroglio franco-belge, une carte et un bref petit historique s’imposent.
Canal Pommerœul-Condé : Section belge
Section française
Canal Nimy-Péronnes
L'Escaut
Anciens canaux disparus ou inutilisés
1800 : construction du canal Mons-Condé-sur-Escaut, afin de faciliter le transport du charbon vers la Flandre et le
nord de la France, via l’Escaut.
1815 : bataille de Waterloo et défaite de Napoléon. Le nouveau canal se situe désormais sur deux pays différents :
les Pays-Bas et la France.
1823 : construction du canal Pommerœul-Antoing pour permettre au canal de rester sur le territoire de la
future Belgique et, ainsi, assurer une liaison constante avec l’Escaut.
1964 : remplacement du canal Pommerœul-Antoing par la nouvelle liaison Nimy-Blaton-Antoing.
1972 : construction de l’autoroute E19 (A7) sur le parcours de l’ancien canal Mons-Condé-sur-Escaut jusqu’à
hauteur d’Hensies.
1980 : l’Etat belge décide de creuser le canal Pommerœul-Condé-sur-Escaut pour recréer le lien entre Mons
et Condé-sur-Escaut. Ce nouveau canal reprend l’itinéraire de l’ancien canal depuis Hensies et permet ainsi d’éviter le détour jusqu’à
PéronnesNote1.
1992 : envasement total de la section française. Cette section fait partie du canal historique Mons-Condé-sur-Escaut et
n’a jamais été modernisée. Fermeture à la navigation de la section belge Pommerœul-Hensies.
1999 : début des études de la future liaison Seine-EscautNote2.
Le canal Pommerœul-Condé en serait un des maillons et doit être remis à la navigation.
C’est là que le problème se pose : que faire du 1,5 million de m³ de sédiments présents dans la section française du canal ?
Ce n’est pas tant le volume des boues qui pose problème : la toxicité et la présence des métaux lourds rendent la tâche bien plus épineuse.
Peu importe, la Région Wallonne nous pond l’idée suivante en 2003 : stocker et traiter ces fameuses boues toxiques sur le site de
Malmaison. Ce site est à proximité de zones habitées (Bernissart, Pommerœul et Hensies) et d’une réserve naturelle (les marais d’Harchies).
Ni une, ni deux, les communes précitées ainsi que l’association CPB2 se battent contre ce projet et obtiennent, en 2009, son annulation
en s’appuyant sur des analyses de l’Institut Pasteur qui démontre la dangerosité du projet. La Région Wallonne abandonne donc son projet
de lagunage pour la technique du filtre-presse sur barge (je vous passe les détails mais ça a l’air sympa comme tout).
Une victoire de bien courte durée cependant... L’Etat français envisagerait la création d’un centre 14 fois plus grand que Malmaison à
proximité directe de Bernissart. Il va sans dire que la levée de boucliers est immédiate et nous revoilà reparti pour un délicat dossier
juridico-politiquo franco-belge.
Au final, il faudra bien se décider à évacuer ces sédiments. Ce ne seront pas les Belges qui s’en chargeront mais l’addition sera
payée par les deux pays.
Gaspillage, polémique, menace sur l'environnement : bienvenue au canal Pommerœul-Condé-sur-Escaut.
Ceci dit, je vous convie à la visite de ce canal au centre de bien des débats.
Bienvenue à Pommerœul. On y est accueilli par des portes closes.
De l’autre côté du pont, un paysage un peu plus accueillant...
L’écluse (n°1 sur la carte) est longue de 151 mètres, elle rachète un dénivelé de 15 mètres.
Les marais d’Harchies étant à proximité immédiate, il n’est dès lors pas étonnant de retrouver de nombreux oiseaux sur le canal.
L’écluse de Pommerœul et le vaste plateau voisin. A part quelques pêcheurs, plus personne ne vient ici.
Le bief inférieur, vu du pont.
Le pont ferroviaire, et au loin, le monument de l’ancien poste-frontière d’Hensies, sur l’autoroute E19.
Le bâtiment de décharge de l’écluse. Tout à gauche, les conduites forcées.
L’entrée basse de l’écluse.
Les conduites forcées.
Ce cadre bucolique est fortement menacé par la réouverture du canal. Un trafic intense n’aurait-il pas des conséquences fâcheuses sur les marais d’Harchies ?
Au sommet du bâtiment de décharge. La persienne semble toute neuve.
La passerelle pas vraiment rassurante.
L’accès condamné aux entrailles de l’écluse.
L’omniprésence des oiseaux dans ce lieu quasi-désert.
Détail sur la porte aval. Un bien bel ouvrage.
La porte aval en vue plongeante. Quinze mètres, ce n’est pas rien...
Tout en bas...
Le poste de commande de l’écluse. Il semble avoir peu subi les assauts des vandales.
Le canal de décharge. Il se jette ensuite dans les conduites forcées.
Le bief supérieur du canal. Le ciel prend peu à peu des couleurs plus sombres...
Les abords de l’écluse. Les herbes folles colonisent le sol de cailloux.
Le sas de l’écluse. N’a fonctionné que pendant douze petites années.
L’entrée de l’écluse. Toute navigation au-delà de ce point est interdite depuis 18 ans.
Le ponton à l’entrée de l’écluse. De nos jours, le Grand Large de Pommerœul ne sert plus que de « parking » aux péniches naviguant sur le canal Antoing-Nimy.
Le Grand Large fermé par son mur de béton. Vu la topographie du lieu, le volume des terres remblayées est énorme.
La jonction entre les deux canaux.
A l’origine du canal Pommerœul-Condé-sur-Escaut. A gauche Tournai, à droite Mons.
La sentinelle inutile d’un canal oublié.
Juste à côté du sas de l’écluse, des poutres massives entreposées sous un hangar mobile.
Elles sont toutes marquées d’un H, sauf une. Un placement pub d’un célèbre constructeur d’ordinateurs ?
A quoi servent-elles ? Peut-être à la réparation des portes de l’écluse...
Le hangar sur rails.
Au pied de l’écluse.
Au bas des portes. Fermées depuis 1992, on y discerne un léger clapotis.
Le pont de la ligne Tournai-Mons à contre-jour. Les trains y passent à 160 km/h, sans se soucier de ce qui se passe sur le canal.
Les formes anguleuses du bâtiment des conduites forcées.
Au temps où elle était en fonction, cette machine servait à filtrer l’eau sortant des conduites forcées. Les trois godets remontés, ils pivotaient pour laisser tomber sur le convoyeur à bande les crasses charriées par le canal.
Le convoyeur peut désormais jouer au miroir.
L’installation dans son ensemble. Cela fait belle lurette qu’elle n’a plus été utilisée.
Le soleil a décidé d’aller voir ailleurs, il laisse sa place à de sympathiques nuages noirs. Ça craint un peu.
Le pont du chemin de fer est entièrement ajouré. Les traces brunes sont laissées par le passage des trains.
Des caillebotis entre les voies mais rien entre les traverses. Gare à la chute.
Les volatiles du coin dérangés par ma présence.
Un oiseau prend une pause sur un panneau délaissé.
Le bleu pétant du pont du chemin de fer. On a perdu le soleil...
Au bout du ponton, côté sud.
Va peut-être falloir abréger le séjour. La température est tombée d’un coup et le vent s’est levé avec vigueur.
L’entretient minimaliste du bâtiment des conduites forcées. Au moins, on peut économiser sur le nettoyage des vitres...
Au pied des imposantes conduites forcées.
Invitée surprise : la grêle. Ni plus ni moins. On remet la suite à une prochaine fois...
Retour donc deux semaines plus tard. Ici, le chemin des 1000 flaques.
Au loin, le châssis à molette d’une ancienne mine à Condé-sur-Escaut.
Presque caché dans la végétation, l’un des deux seuls ponts enjambant le canal dans sa section française.
Un pont digne d’un film d’horreur.
Détail sur la rouille qui grignote peu à peu la peinture.
Le canal vers l’écluse 2, à Hensies. Bien que distante d’à peine un kilomètre, l’écluse est totalement masquée par la végétation.
Cette fois, vers Condé-sur-Escaut. A comparer avec les photos du même canal en Belgique...
Le paisible village de Saint-Aybert, en France. La frontière n’est qu’à quelques dizaines de mètres.
Oui, ceci un canal ! Vu depuis le chemin de halage à proximité de l’écluse 2.
L’écluse en approche. La plupart des chemins y menant ont été fermés.
Il n’y a plus eu le moindre bateau ici depuis 1992.
Mais l’oubli du lieu a été bénéfique aux oiseaux. Ils y trouvent ici un véritable havre de paix.
Les oiseaux.
Le bureau des douanes, à l’aspect bien peu reluisant.
La digue que j’ai préférée ne pas emprunter, histoire de ne pas déranger les oiseaux s’y reposant.
Le sas et les bâtiments techniques de l’écluse ont été grillagés. Cela n’a pas empêché les vandales du coin de tout saccager. Tous les câbles en surface ont été subtilisés.
L’entrée amont de l’écluse.
Le canal vers Pommerœul.
Les signaux, en attente d’une hypothétique péniche...
Une infime partie des sédiments à évacuer le long des berges.
La Haine canalisée, vestige de l’ancien canal Mons-Condé. Elle se jette dans l’actuel canal juste après l’écluse.
Le barrage sur la Haine. D’un côté, des eaux calmes, de l’autre des tourbillons.
Gros plan sur les câbles du barrage. Hors d’usage suite au vol des câbles électriques. Le cuivre est revendu ensuite sur le marché noir. La SNCB est confrontée régulièrement au même problème.
La gueule béante du canal de décharge.
Nous sommes en novembre et cela se sent. Il caille, il y a un vent à décorner les bœufs, le ciel est bas et il bruine. Et pourtant, j’arrive encore à faire une photo surexposée...
La passerelle côté Pommerœul. Seuls les pêcheurs et quelques rares promeneurs font encore vivre ce lieu.
Infiltration dans le périmètre interdit. Ici, les locaux des douanes totalement ravagés.
Rien n’a été épargné. Pas la peine d’entrer dans le bâtiment pour voir le carnage.
Cet édifice semble plus récent que le reste du complexe. Il n’a donc pas dû rester en fonction très longtemps.
Le sas de l’écluse côté France. A noter que le MET a remplacé les poteaux d’éclairage il y a moins de deux ans. Pourquoi ? Aucune idée mais certaines lanternes n’ont pas été installées...
Le sas côté Belgique.
Les portes vers l’aval verrouillées depuis 1992. Le temps commence à y laisser sa marque.
Juste après la porte, le bouchon d’Hensies. Inutile d’expliquer pourquoi la navigation y est désormais impossible...
Les poteaux sans lanternes, les hampes sans drapeaux, les fenêtres sans vitres et le canal sans bateaux.
Sympa le comité d’accueil...
Que signifiait ce signal ? La rouille lui a enlevée son identité.
Une armoire technique ouverte aux quatre vents. Tout ce qui avait une quelconque valeur marchande a été dérobé.
La passerelle sur laquelle je n’irai pas plus loin. Son profil en dos d’âne inversé ne m’inspire pas plus que ça...
Voie sans issue pour un canal sans débouché ?
On quitte le domaine condamné pour revenir dans le domaine public.
Les vastes étendues désertes du canal.
L’ancienne mine des Sartis. Mon grand-père s’y serait ruiné la santé...
Comme l’écluse, rien n’y a été épargné...
Le temps me manquant un peu, je me contente des ces trois clichés. Qui sait, peut-être plus tard ? Les bâtiments ne semblent plus très vaillants...
Le pont à l’architecture typique des années 70-80. Il permet de relier Pommerœul à Hensies.
Visible de partout, le monument du poste frontière. Devant lui, l’ancienne décharge d’Hensies en cours de réhabilitation par la SPAQuE.
Le canal avant son virage vers Pommerœul. Le canal historique continuait tout droit, vers Mons.
Le calme du canal menacé par une hypothétique réouverture.
La pluie refait son apparition. Encore et toujours... Rentrons à la maison.
Soyez le premier & devenez quelqu’un de bien • Be the first & become a good person