Le Stade Edmond Machtens a été le témoin d’une histoire certes complexe mais passionnante.
Retour sur près d’un siècle de péripéties footballistiques en terre bruxelloise.
L’histoire commençait pourtant de la plus simple des manières.
Un club, le Daring Club de Bruxelles, se cherche un nouveau terrain où il pourra construire un stade digne de ses ambitions.
Fondé en 1895 et affilié à l’Union Belge deux ans plus tard, il attendra 1903 avant de s’inscrire pour le championnat. Entre-temps,
le Daring aura fusionné avec le Bruxelles FC, le Sporting Molenbeek, le Skill FC de Bruxelles et l’US Bruxelles. Les fusions deviendront
un mal endémique du pensionnaire du futur Stade Edmond Machtens. Comme souvent pour les clubs fondés au XIXe siècle, il s’agit d’un club
omnisport et le football n’est qu’une section du Daring.
Dès son entrée en matière, le Daring devient un sérieux concurrent pour la grande Union Saint-Gilloise et fête son premier
titre en 1912. Quatre autres titres seront gagnés par les Daringmen : 1914, 1921, 1936 et 1937. La Coupe de Belgique sera remportée
en 1935 face au Lyra, dans le stade du Daring face à seulement 4.000 personnes.
Après avoir joué sur le site de la future Basilique de Koekelberg et à la Chaussée de Jette, le Daring jette son dévolu sur un vaste
terrain à la Rue Charles Malis, à Molenbeek-Saint-Jean. Là, le club construit en 1920 un véritable complexe sportif, largement en avance
sur son temps. Le site comprend outre le stade, une piste d’athlétisme, un terrain de hockey, des cours de tennis et, de manière plus
surprenante, un solarium. Le stade est simplement baptisé du nom de la rue où il se trouve, à savoir Stade Charles Malis, du nom d’un
ancien président du club et conseiller communal de Molenbeek. Les tribunes et gradins peuvent accueillir environ 20.000 personnes.
En 1939, le stade change de nom et devient le Stade Oscar Bossaert, du nom d’un joueur et président du Daring.
Malheureusement, les heure de gloire sont déjà passée et la Deuxième Guerre Mondiale mettra un terme à la domination du club de Molenbeek. Tout comme sa grande rivale de l’Union Saint-Gilloise, le Daring devient instable et peine à rester en Division 1. Deux qualifications européennes pour la Coupe des Villes de Foire sont tout de même obtenues en 1966 et 1969, ainsi qu’une dernière finale de Coupe de Belgique en 1970, face au FC Bruges. A ce moment, le Daring est en Division 2 et la différence de niveau ne permet pas de miracle : les brugeois écrasent les bruxellois 6-2 au Heysel.
Des tribunes de plus en plus vides et une concurrence sans merci de la part du nouveau grand rival bruxellois, à savoir Anderlecht, plongeront le Daring dans une crise financière dont il ne se relèvera pas. Le glorieux matricule 2 démissionne en 1973 et est radié par l’Union Belge. Le Daring Club n’existe plus et le Stade Oscar Bossaert est désormais libre de tout locataire.
Ne pouvant laisser une telle infrastructure inoccupée, la commune de Molenbeek cherche un club capable d’occuper efficacement
le Stade Oscar Boosaert. Au même moment, le stade devient le Stade Edmond Machtens, du nom du bourgmestre de Molenbeek-Saint-Jean
entre 1939 et 1978. Il fût aussi résistant, ministre d'État et sénateur pour le Parti Socialiste de Belgique.
De l’autre côté de la capitale, à Woluwé, un autre club est en difficulté. La Royal Racing White n’arrive plus à remplir le Stade Fallon
et les caisses sont vides. Club issu d’une fusion entre le prestigieux Racing de Bruxelles (matricule 6) et le
Royal White Star Athletic Club (matricule 47), le Racing White accepte de déménager à Molenbeek, d’ajouter le nom « Daring » à son
appellation et d’ajouter le rouge à ces couleurs officielles. Le Racing White Daring de Molenbeek (matricule 47) était né. Très vite,
le club reprend vie et les supporters sont de retour nombreux au stade. La direction, menée par Jean-Baptiste l'Ecluse, entreprend de
moderniser le vieux stade du Daring et de devenir Champion de Belgique, ni plus ni moins ! La petite tribune latérale est démolie et
remplacée par une construction hypermoderne comprenant plus de 4.500 places assises et un millier de places debout. Le stade peut
dès lors accueillir 27.000 personnes.
Sportivement, et contre toute attente, le RWDM gagne le titre suprême en 1975, seulement deux ans après le déménagement du Racing White.
Dans la foulée, le RWDM arrive en ½ finale de la Coupe UEFA 1976-1977 et ne sera stoppé que par l’Athletic Bilbao (Espagne). Les clubs
éliminés par les bruxellois sont successivement Næstved BK (Danemark), GTS Wisła Cracovie (Pologne), FC Schalke 04 (RFA) et
Feyenoord Rotterdam (Pays-Bas). Le RWDM se voyait déjà brandir la Coupe UEFA et il faut avouer qu’il ne s’en est fallu de peu.
L’Athletic Bilbao ne s’est qualifié qu’à la faveur de son but marqué à l’extérieur (1-1 et 0-0). Bilbao sera battu en finale par
la Juventus (1-0 et 2-1). Les autres qualifications ont eu lieu en 1973-1974, 1974-1975, 1977-1978 et 1980-1981 pour la Coupe UEFA
et 1975-1976 pour la Coupe des Clubs Champions.
Ces succès rapides et inattendus ont aveuglé L’Ecluse et ce dernier se mit en tête de renverser Anderlecht et de prendre sa place de plus grand club belge. Mais si l’ascension fût rapide, la chute fût d’autant plus brutale. Ayant partagé la présidence avec Jean Gooris, ce dernier quitta le club en 1977 suite à une dispute avec L’Ecluse. Le club connait alors ses premiers problèmes financiers. Pire, l’entreprise de construction de L’Ecluse tombe en faillite en 1986 suite à des retards de paiement des pouvoirs publics pour lesquels L’Ecluse a travaillé (notamment le métro de Bruxelles). Ruiné, L’Ecluse se retire et le club se demande ce qu’il va devenir sans son président-mécène. La faillite est déclarée en 1986.
Entre en scène au même moment Johan Vermeersch. Grand admirateur de L’Ecluse et lui aussi entrepreneur dans le bâtiment, il tenta
de prendre le contrôle du RWDM dès 1986. Mais il échoua. Il entrera finalement dans le club comme sponsor principal en 1993.
Directement, il entreprend de raser la vieille tribune de 1920 (pourtant encore en bon état) et de la remplacer par une nouvelle
tribune de 4.500 places assises et 600 business-seats. S’inspirant d’Anderlecht, il pensait que cette nouvelle infrastructure
offrirait au RWDM une grande et stable source de revenus. Mais le coût de cette tribune (6.250.000 €) s’est révélé être impossible
à payer pour le RWDM. Le club, comme le Daring à l’époque, ne se relèvera pas de cette charge bien trop lourde. Le club agonisera
pensant 10 ans. Ces travaux feront perdre de nombreuses places et la capacité passe à 15.266 places. Les vieux populaires nord
(datant de 1920) sont fermés et les populaires sud (réservés aux visiteurs) sont reconstruits.
Sportivement pourtant, une dernière qualification européenne sera décrochée en 1996-1997 contre les turcs de Beşiktaş JK (0-0 et 0-3)
en Coupe de l’UEFA. Vermmersch est débarqué du club mais cela ne changea pas la situation catastrophique du club.
Après une ultime saison en Division 1 (avec une honorable 10ème place), le RWDM ne peut obtenir sa licence professionnelle et est
relégué directement en Division 3. Ce fût la débandade et tout le monde quittera le club, excepté les supporters. Finalement, le
matricule 47 est radié en 2003.
Le stade Edmond Machtens est une nouvelle fois inoccupé.
Vermeersch, ne voulant pas rester sur l’échec du RWDM fait déménager le KFC Strombeek (matricule 1936) de la banlieue flamande
de Bruxelles à Molenbeek. Le club change de nom pour devenir le Football Club Molenbeek Brussels Strombeek. Rapidement, le club
passe de la Division 3 et à la Division 1 mais ne parviendra à rester au plus haut niveau que 4 ans. La relégation en D2 sanctionne
le saison 2007-2008.
Boudé par les supporters de feu le RWDM, le stade Edmond Machtens reste vide comparé à un passé assez récent. Ces mêmes supporters
continuent d’ailleurs de porter des maillots du RWDM ou de chanter en son honneur. Le FC Brussels n’arrive pas entrer dans le cœur
des fans.
Finalement, Vermeersch arrête les frais et place le club en liquidation. Aucun repreneur ne se manifeste et le club est radié le 24 juin 2014.
Parallèlement, un nouveau club se réclamant successeur du RWDM est fondé en 2003. Mais il connaitra aucun succès et retombera très vite au dernier niveau du foot belge.
Une nouvelle fois, le stade de Molenbeek-Saint-Jean a été déserté. Une nouvelle fois, un club est débauché de sa localité pour venir
occuper le Stade Edmond Machtens. Et comme en 1973, il s’agit du White Star !
Mais il s’agit d’un tout autre club que le vieux White Star AC (matricule 47). Ici, il s’agit d’un club originalement appelé Kappelleveld FC
et a comme matricule le numéro 5750. Un premier déménagement a lieu et le club passe de Evere à Woluwe-Saint-Lambert. Voulant récupérer
l’héritage historique du White Star, le club obtient de l’Union Belge de changer de nom et sera désormais le Royal White Star Woluwé FC.
Mais comme à l’époque du Racing White, le Stade Fallon reste vide et partir à Molenbeek semble être une bonne opportunité pour le White Star.
Le club change une nouvelle fois de nom pour devenir le Royal White Star Bruxelles. Le club atteint la Division 2 et tout le monde croit
à l’époque que cet énième locataire du Stade Edmond Machtens durera enfin. Et comme pour les autres clubs, la fin est bientôt proche.
Mais dès 2015, un nouveau club vient s’installer au Stade Edmond Machtens : le RWDM (cf. chapitre suivant) ! Après de nombreuses querelles
entre les deux clubs, le White Star est finalement éjecté du stade et déclare forfait pour la saison 2018-2019. Le matricule 5750 est radié.
Décidément, les fantômes des anciens clubs radiés aiment venir hanter le Stade Edmond Machtens.
Cette version-ci du RWDM est en fait un projet visant à faire renaitre le Champion de Belgique 1975.
Pour ce faire, un matricule doit être obtenu et les dirigeants du nouveau RWDM l’ont trouvé en Flandre, à Wetteren. Cette petite ville
possédait deux clubs de football : le RRC Wetteren-Kwatrecht (matricule 95) et le Koninklijke Standaard Wetteren (matricule 5479). Une
fusion est faite pour former le Royal Football Club Wetteren et libère ainsi le matricule du Standaard. Le nouveau RWDM récupère le
matricule et la place sportive du défunt Standaard, à savoir une place en Promotion (quatrième division).
Entretemps, l’Union Belge à accorder au club le droit d’utilise le logo de l’ex-matricule 47. De ce fait, le club a récupéré un grand
nombre de supporters de l’ancien RWDM.
Pour une fois, l’avenir s’annonce un peu plus serein pour le nouveau locataire du Stade Edmond Machtens.
Si les clubs se sont succéder à un rythme infernal au Stade Edmond Machtens, celui-ci n’a par contre connu que peu d’évolutions
durant son siècle d’existence.
S’il ne reste rien du stade de 1920, il n’y a plus eu de modifications majeures depuis 1993.
Le stade compte aujourd’hui 12.266 places et est parfaitement conforme aux exigences de la Division 1. Pendant longtemps, un projet
de construction de tribune à la place des anciens populaires nord a existé mais le stade molenbeekois ne connait (pas encore ?)
d’affluence suffisante pour justifier une telle construction.
Le stade du Daring, à son ouverture en 1920.
« La Grande Tribune pouvant contenir 5.500 spectateurs. »
Cette audacieuse construction restera en service jusqu’en 1993.
Un des gradins derrière les buts. Ils disparaitront dans les années 90 : l’un remplacé par de nouveaux gradins, l’autre par un mur de publicités.
Cette tribune sera remplacée en 1973 par la célèbre tribune l’Ecluse.
Le stade bondé, lors de la saison 1920-1921. Le derby contre l’Union fera entrer ces deux clubs dans le folklore bruxellois à travers la pièce de théâtre Bossemans et Coppenolle.
Le stade Oscar Bossaert en 1970. Inchangé depuis 50 ans.
4 ans plus tard, le stade a changé d’aspect et de nom. La nouvelle tribune porte la capacité à 27.000 places.
Le stade Edmond Machtens bondé lors d’un match en 1985-1986.
Dernière année pour la vieille tribune du Daring en 1992.
Une nouvelle tribune et de nouveaux gradins en 1993. Ces travaux trop coûteux enverront la RWDM en enfer.
La tribune L’Ecluse devra, par contre, attendre encore quelques années avant d’être rafraichie.
Les populaires nord, eux, disparaitront en 1996 et seront remplacés par un mur de publicités. La capacité chute à 15.266 places.
Le stade Edmond Machtens rafraichi au début des années 2000.
La tribune Raymond Goethals.
La tribune L’Ecluse, parée de ses nouveaux sièges. Pour des raisons de sécurité, la capacité baisse encore à 12.266 places.
Un stade moderne et confortable mais plus d’équipe d’envergure pour l’occuper.
L’ancien stade du Daring, un soir de match.
Les guichets, aux pieds des ex-populaires nord.
Façade de la tribune Raymond Goethals.
Façade de la tribune L’Ecluse.
Un énième club à Molenbeek. Le nouveau RWDM arrivera-t-il à durer dans le temps ?
Soyez le premier & devenez quelqu’un de bien • Be the first & become a good person