Histoire du stade du plus prestigieux club de football de Belgique.
A l’ombre de Saint-Guidon, le football académique y sera érigé en marque de fabrique.
Fondé le 17 mai 1908, les débuts du Sporting Club d’Anderlecht se déroulent dans l’ombre des nombreux clubs bruxellois déjà existants
depuis le XIXe siècle, à savoir le Léopold Club, le Sporting de Bruxelles, l’Union FC Ixelles, le Skill FC, l’Athletic & Running
de Bruxelles, l’Olympia Club, Uccle Sport, l’Excelsior SC, mais surtout le Daring, le Racing Club et l’Union Saint-Gilloise. Ces trois
derniers clubs ont déjà remporté plusieurs titres nationaux.
Evoluant depuis sa fondation sur un terrain à la rue Verheyden, le club s’installe définitivement sur un terrain mis à la disposition
par la commune d’Anderlecht en 1914.
Ce terrain se trouve au bord d’un vaste parc ouvert en 1903. Inauguré sous le nom du Parc du Meer, il sera réaménagé et agrandi au
fil du temps, mais surtout en 1926 par l’architecte Jules Buyssens.
Quant au stade, une première tribune en bois est construite en 1920. A ce moment, les installations sont fort réduites mais cela ne
pose pas de problème. En effet, le Sporting est loin d’être un club stable et ses premières années sont synonymes de nombreuses montées
et descentes, le club étant d’ailleurs surnommé à cette époque « l’ascenseur ».
En 1935, suite au décès de la Reine Astrid de Belgique, le parc est renommé en Parc Astrid, en hommage à la bien aimée reine venue de Suède.
La même année, le club mauve et blanc acquiert une certaine stabilité et est une fois de plus promu en Division 1, pour y rester
définitivement cette fois.
Si le titre de champion n’a été remporté que quatre fois hors de Bruxelles entre 1896 et 1914 (Le FC Liège en 1896, 1898 et 1899,
et le Cercle de Bruges en 1911), au sortir de la Grande Guerre, la situation change peu à peu.
Dès le retour des compétitions officielles, la domination des clubs flamands se fera de plus en plus forte. Ainsi, dès 1920,
le FC Bruges remporte le titre. Puis, c’est au tour des clubs anversois (le Beerschot AC, l’Antwerp et le Lierse) de truster
la 1ère place du championnat. Entre-temps, le Daring et l’Union continuent de glaner quelques titres mais l’archi-domination
bruxelloise a pris fin. Pire, plusieurs clubs de la capitale ont été dissolus ou sont tombés dans les divisions inférieures.
La place de leader du foot bruxellois est à prendre et le Sporting d’Anderlecht montera progressivement en puissance.
En 1935, le club signe un bail emphytéotique de 30 ans avec la commune d’Anderlecht portant sur une superficie de 4 hectares. Le club
occupe déjà à cette époque près d’un tiers de la superficie totale du Parc Astrid. Entre-temps, le stade est baptisé au nom d’Emile Versé,
mécène du club.
Peu à peu, le stade se développe et des gradins en béton commencent à ceinturer le terrain.
En 1946, le club obtient de la commune le droit de procéder à de grands travaux.
Il faut dire que le Sporting devient un club populaire et que ces installations commencent à être trop exiguës. Les gradins sont
surélevés et une audacieuse tribune assise est construite. Cette tribune est abritée par une toiture en porte-à-faux, chose peu
commune pour l’époque. Dès l’année suivant, le club fête son premier titre national. La domination du Sporting sur le football belge
et européen commence à peine.
Après-guerre, seul Anderlecht réussi à honorer la capitale du titre de champion, le Daring et l’Union étant tombés dans l’anonymat.
Ces deux clubs ne retrouveront plus leur gloire et le Daring devra même fusionner avec le White Star dans les années 70 pour éviter
de disparaitre complétement. Cette fusion amènera tout de même un titre de champion en 1975 mais la suite ne fût qu’une succession de
problèmes et le prestigieux club de Molenbeek disparaitra en 2002.
Quant au Sporting, et après son titre inaugural, la plus haute marche du podium sera occupée par les Mauves & Blancs en 1949, 1950,
1951, 1954, 1955, 1956 et 1959.
Les années 60 seront marquées par une domination outrageuse du Sporting. En effet, pendant cette décennie, le titre n’échappera à
Anderlecht que quatre fois : le Lierse (1960) et le Standard (1961, 1963 et 1969). La première Coupe de Belgique sera remportée en 1965.
Le stade sera encore agrandi durant cet âge d’or et une tribune de type « Elascon » sera construite derrière un but vers 1965. La capacité
du stade est alors de 40.000 places.
Les tribunes « Elascon » seront construites en grande quantité au Pays-Bas mais ne connaitront qu’un succès limité en Belgique. Excepté
Anderlecht, nous n’avons eu que les stades Florent Beekman (Denderleeuw), Fallon (Woluwé), Vedette (Boussu) et le Pairay (Seraing) dans
les divisions supérieures. Ce type de construction est en passe de disparaître complètement. Il faut dire que les structures de ces
tribunes sont particulièrement légères et n’ont pas la solidité du béton.
Les deux dernières tribunes non couvertes seront dans la foulée désormais abritées.
En 1972, le Championnat d’Europe des Nations s’arrête en Belgique et une rencontre est organisée au Stade Emile Versé : URSS-Hongrie (1-0)
devant seulement 2.000 spectateurs.
Club omnisport, le Sporting investit dans la construction de la salle Henri Simonet entre 1969 et 1972.
D’un point de vue sportif, la suprématie anderlechtoise sur le championnat belge connait une certaine baisse de régime : le titre ne
sera remporté qu’en 1972 et 1974. Par contre, la Coupe de Belgique sera remportée quatre fois (1972, 1973, 1975 et 1976).
Mais au niveau continental, le Sporting est devenu un club craint et respecté par le gratin européen. Ainsi après une finale perdue
sur le fil contre Arsenal en Coupe des Villes de Foire en 1970, Anderlecht remportera deux Coupes des Vainqueurs de Coupe (CE2) en
1976 et 1978 et deux Supercoupe de l’UEFA les mêmes années. Le matricule 35 dominera ainsi des clubs prestigieux tels que le
Bayern Munich, Liverpool et West Ham (et dans une moindre mesure l’Austria de Vienne).
Pour les gros matches européens, Anderlecht sera tout de même contraint de jouer au Stade du Heysel, nettement plus grand.
Durant ces 20 glorieuses années, les meilleurs artistes du ballon rond fouleront la pelouse du Parc Astrid. Les internationaux belges
(entre autres Paul Van Himst, Ludo Coeck, Jef Jurion, Wilfried Puis, Martin Lippens et Jacques Stockman), néerlandais (Jan Mulder,
Arie Haan et Robbie Rensenbrink) et hongrois (Attila Ladinsky) enchanteront durant de longues années le fidèle public anderlechtois.
Le Sporting est alors réputé pour son jeu très technique mais aussi organisé. De grands entraineurs internationaux ont également
officié à l'avenue Théo Verbeeck. Citons entre autres Norberto Höfling, Pierre Sinibaldi, Georg Kessler, Urbain Braems, Hans Croon,
Raymond Goethals et Tomislav Ivić.
Les années 70 verront également débarqué un homme qui marquera de façon indélébile le club et le stade du Sporting : Constant Vanden Stock.
Dirigeant de la brasserie Belle-Vue, ancien joueur de D1 et Diable Rouge, puis entraineur et sélectionneur national, il devient président
en 1971. Conscient qu’un stade peut rapporter plus d’argent qu’avec principalement les recettes de la billetterie, il imagine
un stade révolutionnaire et qui sera cité en exemple dans le monde entier. La mue du vieux Stade Emile Versé peut débuter.
Constant Vanden Stock imagine donc de nouveaux moyens pour augmenter le budget et inscrire ainsi durablement le club anderlechtois
au faîte du football européen.
A ce moment, les recettes télé ne représentent encore qu’une infime partie des revenus du club et la majorité du budget est généré
par une assistance conséquente aux matches des Mauves & Blancs. Mais plutôt que de miser sur une augmentation du nombre de
supporters, Vanden Stock préfère privilégier une clientèle nettement plus rentable : les hommes d’affaire. Ceux-ci voient en effet
d’un bon œil la possibilité de négocier de juteux contrats tout en ayant la possibilité d’assister à un match de foot. C’est
ainsi que sont créés les business-seats et les loges. Pour son nouveau stade, Vanden Stock en mettra partout. A noter que pour la
première fois, la conception du stade est conçue par ordinateur.
Le nouveau stade portera le nom de son président : Stade Constant Vanden Stock.
Les premiers travaux débutent en 1983 et la vielle tribune assise est remplacée par une nouvelle construction unique : deux étages
de places assises avec entre deux, un étage de 24 loges louées à l’année à prix d’or. En 1986, en face de la tribune principale, une
construction similaire (mais avec 600 business-seats à la place des loges) est construite.
En 1988, la tribune « Elascon » disparait au profit de 8 loges, 550 business-seats et des places assises et debout.
Enfin, en 1991, les gradins autrefois occupés par le kop du Sporting sont rasés et remplacés par une nouvelle tribune équipée de 400
business-seats et une tour garnie de 7 loges est érigée le long de l’avenue Théo Verbeeck.
La nouvelle capacité n’est plus que d’un peu plus de 28.000 places, dont plus de 2.000 places en places de luxe. Les rentrées d’argent
seront multipliées.
A ce moment, on se dit que Vanden Stock a eu une idée de génie. Mais...
Point de vue sportif, les années 80 voient toujours une certaine domination du Sporting sur la scène européenne. Mais Anderlecht
n’est plus le seul club belge à briller. Si le FC Bruges avait déjà atteint la finale de la CE3 en 1976 et de la Coupe des Clubs
Champions (CE1) en 1978 à chaque fois contre Liverpool, c’est désormais au tour du Standard (finale perdue de la CE2 en 1982 contre
le FC Barcelone) mais surtout au tour du FC Malines de s’imposer en Europe. Le club malinois remporte ainsi la CE2 en 1988 face
à l’Ajax Amsterdam (1-0). Anderlecht remporte néanmoins le CE3 en 1983 contre le Benfica Lisbonne (2-1).
Sur la scène domestique, le club se voit sacré en 1981, 1985, 1986 et 1987 et remporte la Coupe de Belgique en 1988 et 1989.
Les calculs de Vanden Stock n’avaient pas prévu l’explosion des droits de retransmission télévisuelle. Ceux-ci favoriseront dès
les années 90 les grands pays au détriment des plus petits. En effet, plus un pays est peuplé, plus il y a de spectateurs potentiels
et plus les droits y sont élevés.
La Belgique, avec ses 10 millions d’habitants, n’est pas capable de rivaliser. L’arrêt Bosman a également porté un coup fatal aux clubs belges. Anderlecht dispute sa dernière
finale européenne contre la Sampdoria de Gênes en 1990 (CE2, défaite 2-0).
L’Antwerp est encore parvenu à disputer une finale européenne en 1993 (CE2 contre Parme AC, défaite 3-1) mais ça sera la dernière finale
disputée par un club belge. Les résultats d’Anderlecht suivent évidemment la même pente et le prestigieux club bruxellois deviendra même
la risée du foot européen en affichant un lamentable 0 sur 18 lors de sa participation à la Ligue des Champions en 2004-2005. Quelques
coups d’éclats sont tout de même répertoriés mais Anderlecht (et le foot belge en général) ne fait plus peur. Que du contraire...
Pour le stade, le durcissement des règles de sécurité de l’UEFA fera descendre la capacité d’accueil à seulement 21.000 places pour les joutes européennes. L’Euro 2000 ne sera pas escale au Parc Astrid.
Pour la présidence du club, Constant cède sa place à son fils Roger en 1996, après 25 ans de service.
La fin du règne de Constant sera marquée par un scandale : l’affaire Anderlecht-Nottingham Forest.
Anderlecht se trouve au milieu des années 2000 face à un dilemme : soit le stade est un peu agrandi (sa situation en pleine ville
ne favorise pas un projet très ambitieux), soit le club déménage hors d’Anderlecht et perd définitivement son identité.
Quelques rénovations sont tout de même entamées, à savoir le remplacement de l’éclairage (2006) et des sièges (2012), ainsi que
la réfection des gradins. Ces travaux font encore chuter la capacité à 26.000 places.
Anderlecht continue de truster les premiers prix mais sa domination sur le football belge est mise à mal par le FC Bruges, le Standard,
La Gantoise et le RC Genk. Ainsi, entre 1990 et 2016, seuls huit championnats ont été remportés par les Mauves & Blancs (1990, 1992, 1996,
2003, 2005, 2008, 2009 et 2016). Quant à la Coupe de Belgique, c’est encore pire puisque durant la même période, seulement deux trophées
sont remportés (1994 et 2008).
En 2018, l’inimaginable arriva : Roger Vanden Stock met le club de son cœur en vente. Plusieurs candidats se pressent au portillon et c’est finalement le milliardaire (et accessoirement président du KV Ostende) Marc Coucke qui remporte la présidence. L’ère Vanden Stock aura duré 46 ans et compte un palmarès impressionnant : 20 titres de champions, 8 Coupes de Belgique, 13 Supercoupes de Belgique, 2 Coupes des Vainqueurs de Coupe, 1 Coupe UEFA et 2 Supercoupes d’Europe.
Avec l’espoir du renouveau (surtout en Coupes d’Europe), le club entame la saison 2018-2019 avec le plein d’optimisme et
nombre de transferts. Las, la mayonnaise ne prend pas et le club réussit le bien peu enviable exploit de faire le plus
mauvais résultat depuis la saison 1972-1973 et pire encore, ne parvient même pas à se qualifier pour l’Europe. Une triste
première en 55 ans de présence ininterrompue en compétitions continentales.
Entre temps, le club cède à la mode débile du naming et contre un contrat lucratif, le stade est désormais appelé Lotto Park.
D’une simple signature, l’héritage des Vanden Stock est envoyé aux oubliettes.
Qu’adviendra-t-il de la vénérable enceinte ? Le club pourra-t-il un jour retrouver son prestige ?
Rien n’est moins sûr...
Le Stade Emile Versé à ses débuts. Une tribune en bois et c’est tout.
Le petit stade vu depuis la future Avenue Théo Verbeeck.
Vers 1935, des gradins en béton ceinturent le terrain.
Vue aérienne en 1946. Les gradins sont agrandis tandis qu’une nouvelle tribune assise est érigée. Le club peut fêter son premier titre dans un stade rénové.
Le succès aidant, les travées du Parc Astrid sont régulièrement bondées dès les années 50.
Le stade en 1959. La tribune assise a été prolongée sur toute la longueur du terrain tandis que l’éclairage artificiel fait son apparition.
La tribune « Elascon » en 1966. Cette construction audacieuse portera la capacité du stade à 40.000 places.
Progressivement, toutes les tribunes seront équipées d’un toit. L’Euro 72 sera organisé dans cette configuration.
Un stade vétuste indigne d’un ténor européen. C’est ce que pense Constant Vanden Stock à la fin des années 70.
Le vieux Stade Emile Versé à l’aube des années 80. Une transformation radicale va bientôt s’opérer.
1983 : début des grands travaux. La nouvelle tribune I en construction.
En 1986, la tribune latérale côté parc est détruite et remplacée par une nouvelle tribune de 7.400 places.
Pendant deux ans, les deux tribunes de buts sont encore d’origine.
Comme partout, l’hooliganisme est présent dans les travées du Parc Astrid. Ici, le O-Side est particulièrement redouté.
Jonction entre la nouvelle tribune I et la vieille tribune « Elascon ».
La belle façade typique des années 80. Le stade reçut le premier prix d'architecture et sport décerné par le Comité International Olympique. Le portail date des années 50.
Tous les sièges sont oranges. Pourquoi ? Sinon, la sécurité et le confort du spectateur, ainsi que sa bonne vision du terrain ont été des facteurs importants dans la conception du stade.
Un stade modèle pour le club le plus titré de Belgique.
De par sa présence dans un parc d’un côté et d’un tissu urbain fort dense de l’autre, le Stade Constant Vanden Stock ne peut être étendu à l’infini.
La salle Simonet se trouve à gauche. En cas d’agrandissement du stade, elle disparaitra.
L’un des projets d’agrandissement du stade : ajout d’un troisième étage et une capacité comprise entre 30.000 et 35.000 places.
Les sièges sont enfin mauves et blancs. Le stade gagne encore en confort mais perd en capacité.
Les gradins du Kop. Les plus fervents supporters regrettent l’ancien stade et son ambiance surchauffée.
La tribune I. Malheureusement, l’aseptisation des stades plombe l’atmosphère partout en Europe.
Mais Anderlecht peut moins se prévaloir de garder son identité et son foyer.
Le Parc Astrid reste un beau petit stade malgré tout.
Tant de victoires ont eu lieu ici.
Quant à son nouveau nom, no comment !
Soyez le premier & devenez quelqu’un de bien • Be the first & become a good person