"C'était la dernière séance...". Domicile et fierté du Great Old Club pendant septante-trois ans, il finira en poussière et
remplacé par un cinéma.
Les stars du ballon rond et de la petite reine ont été remplacées par celles du grand écran. Mais ce n'est pas pour une comédie...
Oscar Flesch, directeur du Charbonnage d'Ans-Rocourt entre au comité du Football Club Liégeois le 23 janvier 1919.
Rapidement vice-président, il sera le promoteur d'un ambitieux projet : la construction d'un stade sur les hauteurs de Sainte-Walburge,
à Rocourt. La Société Coopérative du Stade du FC Liégeois sera créée le 11 mai 1920 et achètera une propriété boisée de 12 hectares.
Le Stade Vélodrome Oscar Flesch sera inauguré le 28 août 1921 par les matchs FC Liégeois-Olympique Lillois (2-3) et Standard-Union
Saint-Gilloise (1-2). C'est également cette année que le Roi Albert confèrera le titre de "Royal" au FC Liégeois. La capacité
d’accueil s’élève déjà à quelques 30.000 places.
A l’origine, le stade comporte une tribune assise couverte, une petite tribune debout également couverte de l’autre côté du terrain
et derrière l’un des buts, une grande tribune debout non-couverte. N’oublions pas le « Chalet » sur la gauche de la tribune assise.
Pour la pratique sportive, on retrouve une piste d’athlétisme et un vélodrome en béton ceinturant un terrain de football.
Le stade devient propriété du FC Liégeois le 31 décembre 1937.
Pendant la Guerre, le Club Liégeois reste très populaire. Ainsi, 10.000 spectateurs assisteront au derby face au Club Sportif Verviers
et 15.000 à nouveau un an plus tard.
En 1945, 22.700 personnes fêtent le retour de l’Old Club en D1.
Grâce au Gouverneur Joseph Leclerq, des travaux d'agrandissement seront réalisés en 1950 pour porter la capacité à 40.000 places.
C’est à cette occasion qu’est construite l’immense tribune latérale debout.
En janvier 1955, Liège joue un match de gala face au club argentin de Newell's Old Boys. A noter que le FC Liège devra payer
un dédommagement aux clubs d’Ans et de Bressoux qui jouaient un match de compétition en même temps.
Un an plus tard, l’installation de l’éclairage artificiel permet le déroulement de matches en nocturne. Le club hongrois du MTK Budapest
est invité pour cette inauguration, le 10 novembre 1956. Quant au premier match de championnat sous les projecteurs, il aura lieu
le 25 mars 1957, face à l’Antwerp (victoire 2–1).
Pour fêter les 75 ans du club et afin d’assurer un meilleur confort, une nouvelle tribune assise d’environ 5.000 places sort
de terre en 1967 et remplace l’antique tribune assise d’origine. Très moderne pour l’époque (avec une toiture autoportante),
elle sera la nouvelle fierté du vieux stade de Rocourt. Le club invité pour l’occasion est l’Ajax Amsterdam (défaite 0-1, le 23 août).
A côté du football, la piste cycliste est également utilisée pour de grands évènements. Ainsi, les Championnats du Monde de Cyclisme
furent organisés au Stade Vélodrome de Rocourt en 1950, 1957, 1963 et 1975. En outre, dix arrivées de la célèbre classique
Liège-Bastogne-Liège auront lieu sur les hauteurs de Sainte-Walburge. La dernière sera en 1973 avec la victoire d’Eddy Merckx.
L'éclairage fut entièrement rénové et fût inauguré le 19 août 1972. A cette époque, le RFC Liégeois avait le meilleur éclairage
du pays (1750 lux).
Les derniers travaux eurent lieu de 1986 à 1992 environ avec la construction des loges dans la tribune assise (entre les deux étages)
ainsi que la rénovation de la façade de celle-ci : construction de bureaux et d'une buvette ainsi qu’une superbe verrière.
Les business-seats, construits devant le « Chalet » complèteront la configuration "définitive" du Stade de Rocourt. En 1986,
le stade change de nom : on parlera désormais du Stade Jules Georges, président du club de 1971 à 1983.
La capacité est baissée à 25.000 places, et ce pour raisons de sécurité.
En 1991, le club se prépare à célébrer son centenaire et change de nom : Royal Club Liégeois.
Jusque-là, tout va relativement bien pour le club. Les participations à la Coupe d’Europe sont régulières, le public est
présent et une Coupe de Belgique vient garnir le palmarès du club en 1990.
Ce que d’aucuns pensent être le renouveau du vieux club sera en fait le chant du cygne. Subitement, la situation va devenir critique
à tous les niveaux.
Lors de la saison 1994-1995, le niveau sportif chute dramatiquement. Alors que les saisons précédentes se terminent dans le ventre
mou du classement, en fin de cette saison, la relégation n’a pu être évitée. Le club n’avait plus connu de relégation depuis 1935.
Chaque année, le club dû vendre ses plus beaux bijoux pour espérer maintenir les comptes à flots, et forcément, la qualité du noyau baissa
drastiquement. On demanda alors aux jeunes du club d’assurer le niveau sportif mais ceux-ci n’étaient évidemment pas prêts. Chaque année,
le déficit se creusait encore et encore.
Si d’un côté, le sportif décline rapidement, de l’autre, l’aspect financier commence à devenir une hantise pour le club. Malgré la
vente de ses meilleurs joueurs chaque année, le déficit se creusait encore et encore.
Les problèmes d’infrastructures apparurent quand, sous la présidence d’André Marchandise, le stade est devenu monnaie d’échange pour
rembourser les dettes et les investissements. Pour parvenir à liquider le stade et les terrains en laissant « survivre » ce qu’il restait
du Matricule 4, la direction avait scindé le patrimoine du RC Liégeois en deux : le sportif et l’immobilier.
Pour le stade, les choses se gâtèrent au début de la saison 1994-1995.
Premièrement, on découvrit que les pylônes d'éclairage menacèrent de s’effondrer à cause de la rouille. Ils furent rapidement
démontés et le club fût dès lors obligé de jouer le dimanche après-midi. Ensuite, après l’hiver, on constata que le toit de la
tribune débout montrait d’inquiétants signes de fatigue et que les fondations du vélodrome étaient en mauvais état.
Pourtant, le stade accueillait encore le FC Bruges pour une rencontre européenne quelques mois auparavant - les brugeois étaient
frappés d’une interdiction de stade à l’époque et devaient disputer leur match à 200 km de Bruges.
C’en était assez, le stade fût déclaré non-conforme et définitivement fermé en fin de la saison 1994-1995. La fermeture obligea le
club à trouver refuge loin de chez lui.
Zvonko Varga a inscrit le dernier but du RFC Liégeois à Rocourt face à La Gantoise, le 9 novembre 1994.
Le dernier match eut lieu le 26 novembre 1994 : RC Liégeois-Cercle de Bruges (0-0).
Il n’a jamais été clairement démontré que le stade était totalement impropre à accueillir des matchs de football : en une petite année, l'enceinte passait d'un stade respectant les normes UEFA et de l'Union Belge à un taudis dangereux et insalubre. Il faut également noter que le stade ainsi que tous les terrains étaient à l’origine propriétés du club et ainsi garants de la pérennité de celui-ci. Au même moment, les premières rumeurs de vente du site pour y construire un cinéma apparurent. La direction, via son directeur Pierre Delahaye, s'empressa de tout réfuter énergiquement...
Durant deux longues années, il sera livré aux vandales et aux pilleurs. Tout y est ravagé, l’air de jeu a des airs de terrain vague
et aucune vitre ne survécut.
Les pelleteuses entrèrent en action début 1997 pour laisser place nette à un complexe cinématographique du groupe Kinepolis.
A noter que la démolition, qui ne devait être qu’une formalité au vu l’état déplorable du stade, ne se révéla pas être une partie
de plaisir. La soi-disant vétusté n’était peut-être que de la poudre aux yeux. Peu importe, il était déjà trop tard pour sauver le
vieux vélodrome.
Le grand stade froid et impersonnel n’est désormais plus qu’un vague souvenir...
Il restera bien peu de vestiges du stade : une pierre commémorative ("Stade Oscar Flesch") dans la façade du Kinepolis et quelques murs qui passaient derrière la tribune visiteur et debout couverte.
Il est aussi intéressant de noter que le Standard de Liège a perdu en deux années seulement ses deux plus grands concurrents
locaux : le FC Liège bien-sûr mais également le FC Seraing, tout simplement absorbé par le Standard en 1996.
Quant à l’Euro 2000, qui se rapprochait de plus en plus, la disparition du vélodrome fût du pain béni pour Sclessin. Plus rien
n’entrava le choix du Stade Maurice Dufrasne pour accueillir le Championnat d’Europe des Nations dans la Cité Ardente. Là où
le Standard bénéficierait d’un stade flambant neuf, le FC Liège deviendrait un club sans stade.
Autre fait troublant : le directeur du FC Liège, Pierre Delahaye, trouva très rapidement refuge après la descente du
Great Old Club en D3 au... Standard de Liège.
Nous ne parlerons bien-sûr que de curieux hasards...
Depuis la disparition du stade de Rocourt, les Sang & Marine éprouvent toutes les peines du monde à se trouver un
nouveau domicile.
Devant terminer la saison 1994-1995 entre les stades de Sclessin (Standard de Liège, l’ennemi héréditaire) et du Kehrweg (Eupen),
la moyenne de spectateurs passe de 5.000 personnes à moins d’un millier de fidèles.
Dès la saison suivante, le matricule 4 tentera de fusionner avec le voisin moribond du Tilleur FC afin de s’établir au stade
Bureaufosse (1995-1999), et adaptera son nom par la même occasion (Royal Tilleur FC Liégeois).
Las, l’Union Belge refusa cette fusion et le club chuta en Division 3. Après une brève période faste où l’on croyait que le vieux
club était reparti sur les bons rails, les désillusions s’enchaînèrent à un rythme infernal. Entre une multitude de faillites, de
promotions et de relégations entre la Division 2 et la Promotion, le club déménagea plusieurs fois : au stade du Pairay (à Seraing,
entre 1999 et 2004), ensuite à Ans (2004-2008) avant de revenir à Seraing (entre 2008 et 2018). On parla même d’un déménagement
à Tongres, Visé ou Verviers.
Entre-temps, le club retrouve son appellation historique, à savoir le Royal Football Club de Liège, ainsi que son blason.
Il faudra finalement attendre 2015, soit tout juste vingt ans, pour qu’enfin les promesses tenues par les politiciens
deviennent enfin réalité.
Un tout nouveau stade sera construit sur le territoire de Rocourt, à quelques centaines de mètres de l’ancien vélodrome.
Les Sang & Marine peuvent enfin rentrer chez eux.
Sobrement appelé « Stade de Rocourt », il n’a cependant rien à voir avec le vénérable Stade Oscar Flesch. Avec comme finalité
une capacité maximale de 8.000 places, il s’agira un stade à l’anglaise moderne. Pour le moment (en 2019) et vu le faible niveau
sportif du club, un stade temporaire de 3.000 places semble faire l’affaire.
Même si le Club Liégeois ne sera plus jamais le même sans son stade fétiche, les fidèles supporters du matricule 4 – tout premier
champion de Belgique de football – sont enfin de retour sur les hauteurs de Rocourt.
Le vélodrome, à ses débuts.
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Vue aérienne, avant la construction de la grande tribune latérale.
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La tribune assise d’origine, à gauche.
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L’immense tribune latérale debout, flambant neuve.
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A l’époque, les Sangs & Marine jouaient régulièrement à guichets fermés.
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Match contre le Racing de Bruxelles, dans les années 50.
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La piste du vélodrome et les pylônes d’éclairage pris d’assaut par le public trop nombreux, lors d’un derby face au
Standard de Liège.
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L’éclairage, tout juste mis en service en 1957.
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Autre match, durant les années 50.
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Lors de la réception du Real de Madrid en 1960. Record officieux d’affluence avec 50.000 personnes.
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Qu’il devait être agréable de suivre un match depuis cet endroit !
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Les supporters de la Juventus de Turin, lors de la saison 1986-1987.
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Vue aérienne, au début des années 90, après la construction de la nouvelle façade de la tribune principale.
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Lors d’un derby contre le Sporting de Charleroi dans les années 90.
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Le nouveau blason du club, apposé sur le vélodrome pour célébrer le centenaire du club.
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Les business-seats, depuis la grande tribune latérale.
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Les loges, aménagées dans la tribune principale.
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La nouvelle façade de la tribune assise, inaugurée pour le centenaire du club.
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Le stade presque dans son ensemble.
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L’entrée de la grande tribune debout avec au fond, les business-seats.
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L’intérieur du stade.
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La tribune assise de 1967.
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Depuis la grande tribune debout (1/3).
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Depuis la grande tribune debout (2/3).
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Depuis la grande tribune debout (3/3).
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Au bon vieux temps en 1988 (1/8).
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Au bon vieux temps en 1988 (2/8).
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Au bon vieux temps en 1988 (3/8).
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Au bon vieux temps en 1988 (4/8).
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Au bon vieux temps en 1994 (5/8).
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Au bon vieux temps en 1994 (6/8).
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Au bon vieux temps en 1994 (7/8).
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Au bon vieux temps en 1988 (8/8).
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Disparition des pylônes d’éclairage, c’est le début de la fin.
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Le vénérable vaisseau de Rocourt bientôt abandonné, sous la neige.
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Abandon & vandalisme en 1995 (1/14).
L’entrée du site, Chaussée de Tongres.
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Abandon & vandalisme en 1995 (2/14).
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Abandon & vandalisme en 1995 (3/14).
L’un des anciens terrains d’entrainement.
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Abandon & vandalisme en 1995 (4/14).
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Abandon & vandalisme en 1995 (5/14).
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Abandon & vandalisme en 1995 (6/14).
La façade de la grande tribune debout.
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Abandon & vandalisme en 1995 (7/14).
Les vestiaires saccagés.
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Abandon & vandalisme en 1995 (8/14).
Un cabinet médical (sans certitude...).
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Abandon & vandalisme en 1995 (9/14).
Le bon vieux vaisseau en perdition...
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Abandon & vandalisme en 1995 (10/14).
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Abandon & vandalisme en 1995 (11/14).
Ce qu’il reste des loges et de la tribune assise.
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Abandon & vandalisme en 1995 (12/14).
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Abandon & vandalisme en 1995 (13/14).
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Abandon & vandalisme en 1995 (14/14).
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Démolition en 1997 (1/8).
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Démolition en 1997 (2/8).
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Démolition en 1997 (3/8).
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Démolition en 1997 (4/8).
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Démolition en 1997 (5/8).
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Démolition en 1997 (6/8).
On peut remarquer que malgré le soi-disant état de ruine de la toiture de la tribune, celle-ci reste bien
en place malgré la démolition en cours.
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Démolition en 1997 (7/8).
Depuis les business-seats.
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Démolition en 1997 (8/8).
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Le Fast Side, le noyau dur des supporters, a laissé sa signature sur les guichets visiteurs, peu avant la démolition.
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L’un des seuls vestiges de l’enceinte, le long de la Rue du Stade.
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L’antique et magnifique entrée Chaussée de Tongres.
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Vue aérienne sur le vélodrome, en des temps meilleurs.
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Stèle en l’honneur de l’instigateur du stade. Elle devrait se trouver de nos jours au nouveau stade, Rue de la Tonne.
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Le projet final du nouveau stade. C’est neuf mais sans âme.
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Ce qui a déjà été réalisé. Un stade provisoire pour un club prestigieux...
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Merci pour ce reportage et pour le maintien de la mémoire.
Comme toujours, l'argent des hommes d'affaires (les patrons du kinépolis) et la corruption des politiques ont eu raison des passions populaires. Le stade de Rocourt aurait du être reconstruit sur l'ancien, l'emplacement étant idéal pour ce type d'infrastructure. Au lieu de cela, un cinéma commercial sans âme et sans attache local, un bâtiment industriel sans visage, à l'architecture mièvre, appartenant à des financiers flamands planté au milieu du site comme un ovni venu de nulle part. Triste avenir pour ce site emblématique et centenaire qui a connu tant de liesse populaire.
Avec plaisir
Comme vous avez bien raison, malheureusement. Les souvenirs et la passion des gens n'ont pas beaucoup de poids face à la volonté des politiques.
Le vélodrome de Rocourt n'est qu'un exemple parmi tant d'autres : l'ancien doit disparaitre pour y construire ce que l'on voit désormais partout (et pas seulement en terme de cinéma), le seul critère pris en compte est la rentabilité.
Du passé, faisons table rase...
Quand une entreprise passe aux mains de personnes peut scrupuleuses le résultat ne se fait pas attendre !
Hélas oui...
Le Great Old ne méritait pas ça.
J'ai vu le stade abandonné, ce fut un gros chagrin
Je m'en doute bien. Surtout que peu de temps avant, c'était un lieu encore vivant.